Témoignage : pourquoi je suis encore émue quand j’entends «Dérèglement climatique».

Témoignage : pourquoi je suis encore émue quand j’entends «Dérèglement climatique».

Séverine Lasserre

26 février 2023

Alors que la Conférence des Entreprises pour le Climat (CEC) était lancée fin février, pour les entreprises de Bourgogne du Sud dans nos locaux, j’ai eu besoin de raconter ici ce qui m’anime pour éveiller aux « Changements Climatiques ».

J’ai eu envie soudainement de revenir sur mon parcours universitaire et professionnel.

Vous découvrirez donc pourquoi, 30 ans après avoir pris conscience des bouleversements à venir, je suis encore bouleversée de ce que nous vivons, émue de n’être qu’une goutte d’eau dans l’océan (mais les ruisseaux font les grandes rivières, non ?).

Il y a 30 ans, en 1993 donc, j’obtiens ma licence de Physico-Chimie (1). J’ai choisi deux options : « Physico-chimie des océans et de l’atmosphère » et « Pollution, Catalyse et Combustion ». Je me dirige ensuite vers un DESS (un master2, BAC + 5, pour les éventuels jeunes lecteurs).

J’hésite entre 5 diplômes : un en œnologie, un en balistique (pour entrer dans la police scientifique) et trois en environnement. J’obtiens les 5 admissions. Je choisirai donc le plus proche de mon appartement : « Pollutions Chimiques et Environnement » à Orsay.

Je ferai mon stage au GIE du Groupe qui deviendra Véolia Environnement, y resterai salariée pendant 11 années et découvrirai le Monde Merveilleux des Déchets, si, si ! (cf. Expérience et Formation)

Y a-t-il un hasard ? Ces premiers choix en disent long sur moi :

  • L’œnologie ? les réactions physico-chimiques du jus de raisin, les arômes, les mots compliqués « organoleptique », « fermentation malolactique » … gourmande et curieuse, j’ai appris récemment à déguster les vins, je suis une consommatrice régulière (et pas toujours modérée !), et suis ravie d’être installée en Bourgogne !


  • La police scientifique ? très curieuse, je dévore les romans policiers (2), j’ai besoin de comprendre comment ça fonctionne : du grille-pain à la radio, du réfrigérateur au streaming (3). J’ai besoin de me sentir utile et j’ai soif de justice.

  • L’environnement donc. Ma première fille est née l’année du Sommet de la Terre de Rio, l’année aussi où la « Loi sur l’eau » promulgue la disparition en France des « décharges » à l’échéance de 10 ans. Ma seconde fille nait d’ailleurs en 2002. 20 ans plus tard, il y a toujours des « décharges » en France, sauvages ou contrôlées, qu’on les appelle bioréacteurs ou centre de stockage ou d’enfouissement, mais passons, ce n’est pas le sujet. 1992-2002-2022 puis 2023, nous voilà ! (je n’évoque pas ici mes deux fils, encadrés par les naissances de leurs sœurs, non pas qu’ils comptent pour du beurre -remarquez la rime, mais les dates ont des années moins symboliques, tout aussi importantes pour moi, évidemment).

Conscience écologique et Compassion

1992, donc. J’obtiens ma licence avec mention, autour d’une étude au sujet incompréhensible pour la plupart d’entre nous : « Valorisation du méthane par plasma microonde et suivi par chromatographie en phase gazeuse. ». Je donne naissance à ma fille. Le Sommet de Rio (r)éveille 120 chefs d’État ou de  gouvernements soit 189 pays représentés.

Ma conscience écologique est-elle née cette année-là aussi ? J’utilise rarement ce terme, mais c’est sûrement de cela qu’il s’agit. Le 26 janvier 2023, j’assiste à un webinaire de BPI Université animé par @Stéphane Leluc (4). Il mentionne 5 qualités que chacun d’entre nous peut mobiliser pour agir dans la transformation de nos sociétés. La Conscience est la première : « Comprendre la situation, ses causes et ses conséquences à long terme. ». En 1993, ma maitrise en poche et Lester Brown (5) sur ma table de nuit, ma conscience est activée.

La seconde qualité mentionnée est la Compassion « Souhaiter réduire la souffrance de tous les êtres sentants dans la nature, l’animé et l’inanimé. ». Nous faisons partie d’un tout : la Terre, les espèces qui les peuplent et les peuples du Monde, nous touchent, me touchent.

En Master 2 (ex-DESS), je découvre l’acronyme BOP pour Biologie des Organismes et Population : les interactions, la richesse et la multiplicité du Vivant. Je suis bluffée, émerveillée : « Dame Nature » semble avoir tellement d’imagination ! Je découvre les sciences de la vie, absentes de mon parcours initiale de Chimiste (en plus, j’ai un bac C ! ). Écosystème et biodiversité prennent sens. Je lis « les Fourmis » également de Bernard Werber (paru en 1991).

 Je suppose que j’ai toujours eu beaucoup de compassion en moi « Toi, tu es gentille », « T’es un peu candide ? », « Trop sensible ! », « Tu vis chez les Bisounours ?! ». Cette compassion s’est renforcée en devenant maman : protéger mon enfant et prendre soin des besoins des « générations futures ».(6)

Accepter ce que je ne peux changer / Changer ce que je ne peux accepter

J’ai également développé la 3° qualité : le Courage « Faire face à la situation et prendre les décisions justes, mêmes si elles sont inconfortables. » (et je ne pense pas qu’à mon divorce !). J’ai ce mantra qui me revient à l’esprit : « Accepter ce que je ne peux changer / Changer ce que je ne peux accepter. ». Je suis aussi de la génération des « Barbapapa », à vouloir trouver des solutions à ma portée, des solutions simples et de bon sens. Un mandat électoral plus tard, je comprends que faire face et décider peut être inconfortable. Je comprends surtout que l’information, la formation, les échanges, la concertation sont indispensables. Je sensibilise les enfants, les parents, je deviens commissaire-enquêteur. Je démissionne et je déménage. Je perds mes repères pour un temps.

La prise de conscience d’une « urgence écologique » n’est pas assez partagée. Le terme « Compassion » est détourné, l’individualisme et la surconsommation galopent. Comment trouver le courage pour agir ? Au-delà de mes engagements, que je juge bien minces d’ailleurs (tiens, si j’avais un peu de… compassion, envers moi-même !), je trouve qu’il faut accélérer. Je crée donc en 2009, ma petite entreprise éCogit’Actions (Contraction de Cogitations et Actions : réfléchir, décider et agir autour de nous - 7).

Mais, au fait, quelle est donc la 4° qualité ? Je suis consciente d’être privilégiée, j’ai un toit, des diplômes, un parcours professionnel et personnel riche, une bonne santé et la possibilité de me soigner si besoin, une famille… des potentiels et des possibles : apprendre, me former, transmettre, me cultiver, rencontrer, voyager… je suis emplie de Gratitude pour cela. Et voilà la 4° qualité « Apprécier ce que nous avons. » !


Transformer nos émotions en actions

Et aujourd’hui encore, quand je visionne avec les professionnels, les stagiaires, les étudiants que j’accompagne, cette rétrospective de Radio Canada sur les « Sommets de la terre » (8), j’ai les larmes aux yeux. Je me sens dépassée par mes émotions : la colère, la peur, la tristesse, le découragement, la culpabilité, un peu (J’ai appris récemment à mettre des mots dessus -9). 

Le constat date de 1972, j’avais 2 ans. J’en ai bientôt 53. J’ai pu expérimenter la 5°qualité : la Résilience « La capacité de récupérer rapidement de chocs ou difficultés. » (et là encore, je vais aller au-delà de mon divorce, mes accouchements, mes deuils ou maladies…).

Je nous encourage tous à AGIR, moi y compris dans mes moments de doute. Chacune et chacun faisons notre part, un petit ou un grand pas. Je sais maintenant que la dimension psychologique est importante, que des biais cognitifs nous entourent (10), que « notre nature » tend vers le confort de l’habitude. Je m’engage ici à me former pour intégrer cette dimension.

Après-demain, il y a une présentation de la Convention des Entreprises pour le Climat (CEC) dans nos locaux, une plénière du CJD en mars sur le Climat, des fresques, des webinaires, des débats… à nos portes. Développons chacun Conscience, Compassion, Courage, Gratitude et Résilience et… agissons.

Bonne semaine

Séverine

Témoignage : pourquoi je suis encore émue quand j’entends «Dérèglement climatique».

« 1993 - 2023 : Conscience, compassion et courage d'agir, gratitude, résilience et transmission. »

Notes pour en savoir plus (quand je dis que je suis curieuse ! )

1 – La physico-chimie ou chimie physique (à ne pas confondre avec nos cours de Physique-Chimie au lycée !) est une branche de la chimie (n.f. dérivé d’alchimie : science qui étudie les propriétés et la composition des corps ainsi que leurs transformations – Dictionnaire usuel Larousse 1991 – oui, oui, je suis conservatrice, rien ne se perd, rien ne se créé… merci Antoine 😉). La chimie physique, donc, est l’étude des bases physiques des systèmes chimiques et des procédés, en particulier la description énergétique des transformations, dont les propriétés des gaz. Elle comprend la thermodynamique et la thermochimie, la cinétique chimique, la spectroscopie, l’électrochimie, la radiochimie, la chimie quantique... Évidemment, une maitrise ne permet pas d’approfondir tous ces mécanismes.

2 – Je vous recommande les romans policiers de Fred Vargas et également ses deux ouvrages de vulgarisation « l’Humanité en péril ».

3 – « Franckenstream » 4 épisodes de 15’ sur Arte qui se dévorent.

4 – « DÉVELOPPEZ VOTRE LEADERSHIP CLIMATIQUE : Comprendre la dimension psychologique du développement durable pour accélérer la transformation au sein de votre organisation. »

5 – L’état de la planète par Lester R Brown et al. – Economica (125 F) – L’édition de 1993 est introduite ainsi en 4° de couverture : « L’état de la planète célèbre son dixième anniversaire. Le monde entre dans une nouvelle ère, dans laquelle le progrès économique dépendra de l’inversion de la dégradation de l’environnement. Aujourd’hui, cette dégradation influe directement sur l’évolution économique nationale et mondiale …/… des changements révolutionnaires s’imposent (combustibles fossiles vs énergie solaire, mobilité, protection des populations indigènes, égalité des chances, consommations d’eau, écologie en entreprise, natalité)…/… En toute honnêteté, cet ouvrage de synthèse de 330 pages, m’avait paru bien aride à l’époque.

6 – Le Développement Durable est « un mode de développement qui répond aux besoins des générations présentes, sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs. » Rapport Brundland – 1987.

7 – Le « éco » grec renvoie à Foyer, économie = gestion du foyer, écologie = étude de ce qui nous entoure www.ecogitactions.com.

8 – Vidéo Radio Canada :  - 3 minutes pour résumer les 50 années entre la première Conférence des Nations Unies pour l’Environnement, les Sommets de la Terre et les COP.

9 – Notre salle Créa accueille des Cercles de Paroles « Mes émotions et la Terre » animés par Emmanuelle Cheminat, le premier lundi de chaque mois.

10 – A ce sujet, je vous recommande l’ouvrage de Gérald Bronner – Apocalypse cognitive – PUF 2021.

Nous espérons que cette démarche vous parait plus simple maintenant : ses avantages, la méthode et vos motivations doivent être plus claires. Nous espérons que vous aurez beaucoup de plaisir à transformer cet engagement en actions récurrentes. 

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